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Daniel Blake au Gala de l'association des journalistes professionnels
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Daniel Blake au Gala de l'association
des journalistes professionnels

 
Gala AJP

Ce ne fut pas aisé d'avoir une invitation, mais ils ont finalement lâché les entrées pour le 29ème Gala de la presse. Comme invité cette année, en avant-première, Moi, Daniel Blake, dernier film de Ken Loach.


En arrivant, c'est donc directement dans la salle de projection du Kinepolis, complexe appartenant notamment à Joost Bert, dont la famille est dans la pole position des plus grandes fortunes belges (38ème), qu'on nous dirige.


Loin de Daniel Blake donc... un homme, un être comme il y en a tant, non par ce qu'il est, mais par le traitement social de sa vie. Victime d'un accident vasculaire, les agents des services « sociaux » s'affairent, tout au long du film, autour du « cas Blake », un numéro comme un autre. Ces bureaux de chômage, qui visent à faire croire que « c'est possible », un peu comme au Lotto, alors que la probabilité est proche de zéro de retrouver du boulot, et qui s'emploient à tenter de replacer l'homme dans une activité professionnelle, malgré l'avis défavorable de ses médecins qui le considèrent comme en étant incapable incapable pour l'instant.


Turpitudes, violences de l'absurde où un ensemble de mesures-contrôles visent au fond à effacer l'homme de leurs listes, jalonnent le film et décrivent au fond les effets banals d’un encadrement normatif destructeur et socialement accepté, imposé par des hommes politiques qui vivent dans le strass et les paillettes et ne savent plus combien coûte un pain au chocolat. On a envie, comme l'auteur le dit dans une scène, de demander à tous les exécutants qui permettent à ce service d'exister, de « prendre du recul », de sortir du spectacle, de refuser leur rôle.


 

Mais le spectacle continue !

C’est pourtant encore plus étrange cette perspective en abîme que nous vivons comme spectateur, cet appel à la conscience que propose le film passé en avant-première, qui décrit l'absurde alors qu'il nous submerge nous-mêmes dans la réalité, dans cette salle : le Gala, terme a priori étrange pour un événement conviant la presse, était sponsorisé par Belfius, banque ayant provoqué l'endettement de maintes collectivités locales, reine des subprimes, qui a été renflouée par les contribuables et est donc directement responsable, avec les politiques, de l'endettement public, des pertes d'emploi et de l'élargissement de la misère, celle-là même qui frappe Daniel Blake…
 

Dans le film, Blake se voit obligé, pour ne pas perdre ses indemnités, de suivre une formation pour apprendre à faire un CV. Le formateur leur vend le produit, tente de les présenter chacun comme l’exception capable de décrocher l’unique job… il leur explique l’anecdote d’une entreprise de café qui offrait un emploi et avait reçu 1300 demandes : « faudrait boire plus de café », concluait Blake ironiquement. Il n’y a plus assez de boulot et la dignité n’est donc pas de tomber dans ce que le système veut que l’on soit : un être culpabilisé de ne pas faire assez pour mériter le Graal : le job. Le formateur, après la remarque de Blake, continuera, s’adressant uniquement à « ceux qui vivent dans la réalité »… rappel à la réalité étrangement semblable au « ça c’est la vraie vie »1 qu’évoquait le secrétaire général adjoint de l’association des journalistes professionnels, lorsque nous nous étonnions que la plupart des médias belges appartiennent aux familles les plus fortunées du royaume.

 

Nous ne fûmes toutefois pas au bout de nos surprises, arrivés à la réception, quand on découvrit les drapeaux Adecco sur les tables à côté des verres de Cava et des petits pains. Adecco, vous savez, le leader mondial des services en ressources humaines qui œuvre essentiellement dans le travail temporaire et pense profondément qu’il faut « promouvoir le vieillissement actif et inciter les seniors à travailler plus longtemps »2.
 

Allez Daniel Blake, encore un peu d’effort !
 

Alexandre Penasse
 

1 Propos tenu lors d’une interview à paraître dans le Kairos 27 de novembre-décembre.

2 http://www.adecco.be/Documents/Whitepapers/mature_workers_2011_FV.pdf

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